In Memoriam: Alex Szogyi

Hommage à Alex Szogyi
(27 janvier 1929-23 avril 2007)

Professeur, chercheur, critique, traducteur, mentor, acteur, pianiste, graphologue, astrologue, chef et bel esprit son quelques des nombreux mots qui décrivent Alex Szogyi. Cependant, pas un seul terme ne peut capturer son essence ou représenter son unicité. Alex défie les classifications ; il est presque plus simple de lister ce qu’il n’a pas fait que d’énumérer ses réussites. Alex Szogyi ne dansait pas sur une air de flûte ou de cornemuse. Il n’était pas facile de le connaître ou de l’aimer car il représentait un défi à quiconque s’y essayait. Pour ceux qui ont persévéré, la récompense était grande.

Il aimait beaucoup le théâtre, la musique, la danse, l’art et le cinéma et inspirait ses étudiants et ses collègues à se plonger dans tout ce qui avait trait au théâtre et aux arts. Nous, sandistes, lui sommes redevables car il appartenait au groupe visionnaire qui a ouvert la voie pour les Amis de George Sand. Créée en 1976 à l’Université d’Hofstra, cette société, à présent connue sous le nom de l’Association George Sand, a catapulté les études sur Sand en un foisonnement fulgurant d’activité critique qui s’est à présent répandu dans le monde entier. Grâce aux efforts d’Alex et des autres membres fondateurs, George Sand et son travail ne sont plus relégués à une note de bas de page littéraire ou seulement réservés à la lecture attentive des enfants.

Certains seront surpris d’apprendre que la licence d’Alex Szogyi qu’il a obtenue au Brooklyn College était en mathématiques ; il a ensuite obtenu son doctorat à Yale en français, se spécialisant dans la littérature du dix-septième siècle, après avoir étudié à la Sorbonne. Alex a enseigné à Yale, Wesleyan College, au centre universitaire et à l’école supérieure de troisième cycle de l’Université de la ville de New York (CUNY), à Hunter College, où il était responsable du Département de langues romanes pendant sept ans. Sa carrière professorale a duré quarante ans.

Alex était un avide traducteur. Parmi les nombreuses traductions qu’il a réalisées en anglais figurent plusieurs des pièces de Marivaux, toutes celles d’Anton Tchekhov et The Lower Depths (Les Bas-Fonds) de Maxime Gorki, qui est toujours produite à travers le pays. Son adaptation de George Dandin par Molière a été produite par la Classic Stage Company ; le Gramercy Arts Theater a présenté sa version de La Philosophie dans le boudoir de Sade. Écrivain prolifique, voici quelques ouvrages d’Alex : Molière abstrait, Chocolate : Food for the Gods, et un roman, Carnaval. Alex a également régulièrement écrit en tant que critique gastronomique pour Village Voice, Gourmet et Bon Appétit . Son amie proche, Patricia Highsmith, lui a dédié The Snail-Watcher and Other Stories (L’amateur d’escargots).

Avec Ellis Rabb et Rosemary Harris, Alex a été co-fondateur du Théâtre APA. Alex est apparu dans le film de Gérard Depardieu, Balzac, jouant le diseur de bonne aventure de Mme Balzac (Jeanne Moreau). Les acteurs étaient des amis ; en fait, Mme Moreau a écrit la préface à un ouvrage somptueusement illustré et produit, Les Fables de La Fontaine, Fables Choisies, pour lequel Alex a rédigé des notes et commentaires (Paris, éditions épigraf, 2005).

Le 23 octobre 2007, une cérémonie et un symposium pour commémorer la vie et l’œuvre d’Alex Szogyi ont eu lieu à l’école supérieure de troisième cycle de CUNY. La célébration s’est déroulée sur la journée et étudiants comme professeurs sont venus. Natalie Datlof, Jeanne Fuchs et Philip Thompson, les partenaires d’Alex pendant 46 ans, ont tous participé. Byron Janis, un ami proche, a joué plusieurs morceaux de Chopin à la conclusion des festivités. Alex se serait délecté de cette célébration. A notre cher ami, nous ne pouvons que dire : CHAPEAU !

Par Jeanne Fuchs et Natalie Datlof

Souvenirs d’Alex Szogyi (1927-2007)

Notre collègue, contemporain et important contributeur au renouveau des études sur George Sand est décédé le 23 avril 2007. Certains d’entre vous se rappelleront des nombreuses références à Alex, publiées dans la newsletter de la GSA en 2006, en tant que fondateur, organisateur et participant actif aux rassemblements George Sand, ici et à l’étranger, à partir de 1976 ; ainsi que sa contribution en tant que traducteur du dramatique « Prologue » à Les Mississippiens , joué à la conférence de 1978, et sa participation à la traduction de groupe d’Histoire de ma vie de Sand, ouvrage publié à la SUNY press en 1990. Cependant, peu d’entre vous savent éventuellement que les pièces de Corneille, Racine et Molière ont constitué ses intérêts formatifs, alimentés par la suite par la traduction de toutes les œuvres théâtrales de Tchekhov.

Les talents d’Alex n’était pas confinés aux frontières des genres ou des périodes littéraires ; ses intérêts comprenaient également la cuisine, la graphologie et l’astrologie (étant d onné sa curiosité pour cette dernière, il aurait peut-être aimé savoir qu’il est décédé le même jour que Shakespeare, en 1616). Toutefois, les liens qu’ils a créés par le biais de ces intérêts avec des célébrités dans le milieu du théâtre et du cinéma l’ont ramené à sa curiosité pour la vie et l’œuvre de George Sand. Voici un exemple : son amie actrice, Rosemary Harris, a joué le rôle de George Sand dans une série en sept parties sur PBS, au début de l’année 1976, qui présentait un portrait sympathique d’une jeune femme déterminée, luttant pour réussir dans la profession d’écrivain dominée par les hommes, contrastant avec le stéréotype très répandu de Sand en tant que femme infidèle et amante d’artistes géniaux, et écrivaine dont la réputation déclinait.

Ainsi, Alex était préparé et bien placé en tant que responsable du Département de français à Hunter College pour répondre à l’annonce de la première conférence George Sand, devant se tenir à l’Université d’Hofstra en novembre 1976. Natalie Datlof, la muse du mouvement pour raviver la réputation de Sand en tant qu’écrivaine, a invité Alex à participer et sa présentation discutant de la voix narrative dans Lucrezia Floriani était un des exemples les plus précoces d’une manière de recentrer l’attention critique sur l’étude de la fiction de Sand. L’excitation d’une curiosité et d’un savoir partagé qui a émergé de cette conférence a nourri les visions de Natalie pour créer une société Sand aux États-Unis, démarche dans laquelle Alex l’a grandement soutenue. Depuis ces origines, la contribution d’Alex aux études sur Sand s’est poursuivie pendant plusieurs décennies et a inclus des moments marquants, tels que la direction de l’événement théâtral à la conférence Sand de 1982, et quatre ans plus tard, la réaction et la direction de la pièce “Dialectic of the Heart” (« Dialectique du cœur »), sur Sand et Chopin, dans laquelle son ami Byron Janis a joué le rôle du pianiste pour la conférence Sand de 1986.

Créer des liens avec nos homologues français a été un autre aspect de la vision qu’Alex a encouragé grâce à ses connections avec des chercheurs, dignitaires et célébrités françaises. Il a promu les efforts de Christiane Sand, gardienne de certains des trésors de Sand, pour ressusciter la réputation de l’auteure en exposant sa collection privée d’objets, photographies, tableaux et écrits. Il était typique d’Alex de développer une relation personnelle avec Christiane qui a illustré la façon dont sa curiosité littéraire pour l’écrivaine Sand a imprégné sa vie. Il a écrit : « Philip Thompson et moi avons été invités chez elle et avons dégusté certains de ses plats préférés dans les assiettes de Sand…Elle s’est assurée que la cuisine (de Sand) et la maison soient aussi semblables à ce qu’elles étaient du vivant de Sand… ». La connaissance d’Alex de la cuisine était un talent particulier qui a rehaussé sa compagnie pour tous ceux qui le connaissaient. Qu’il ait s’agit de ses questions au serveur sur le poisson du jour (lotte) sur le menu dans un restaurant local de Tours, à l’occasion d’un premier atelier de travail sur Sand en Europe en 1981, ou de la discussion avec le chef sur la qualité du bœuf dans une « steak house » à Kansas City après la conférence de 1984 dans le Missouri, déjeuner ou dîner au restaurant avec Alex était toujours un événement mémorable.

Pour conclure, nous ne pouvons pas surpasser les mots de Natalie Datlof tels qu’ils sont apparus dans la nécrologie du New York Times, publiée le 29 avril 2007 : « Il a amené le monde de George Sand à la lumière et à la vie ».

Par Thelma Jurgrau

Souvenirs d’Alex Szogyi (1927-2007)

Alex, il divo du théâtre, de la cuisine et des études françaises : quelques petits aperçus.

La monographie d’Alex, Molière , a été célébrée lors de la 500e édition « d’Apostrophes », magnifique émission-débat présentée par Bernard Pivot, où M. Szogyi a tenu bonne place parmi les célébrités du monde des belles lettres françaises de l’époque. En année sabbatique à Paris ce mois d’octobre là, j’ai eu la chance d’être spectatrice dans le studio de télévision grâce à l’invitation charmante d’Alex. Citant Molière, notre Alex a ébahi les écrivains français et Pivot avec son envergure et sa pensée d’homme érudit. De la stylistique aux recettes, sa maîtrise de la terminologie des deux domaines a enthousiasmé les autres invités à rivaliser avec lui. Sa présence théâtrale était imposante, mais toutefois au pas léger, renforçant d’autant plus sa véritable grâce. Sa connaissance de la cuisine a captivé Pivot, un gourmet notable.

Autre souvenir heureux : Alex a superbement ajouté son interprétation d’une scène de Mauprat sur laquelle j’ai présenté un article à la session MLA de Washington D.C. il y a quelques quinze années. Sans le panache de son jeu de la scène à mes côtés, l’article aurait été un véritable « fiasco » ! Quel bosseur !

Voici une autre illustration de sa générosité : un(e) jeune candidat(e) au doctorat avec qui je jouais au tennis occasionnellement m’a raconté ses nombreuses leçons de diction avec le professeur qui souhaitait que son français (légèrement britannique) soit plus que parfait lors des oraux. Il/Elle a été très reconnaissant(e) de l’aide gratuite d’Alex et de sa gentillesse professionnelle.

J’espère que quelques affectueux souvenirs rappelleront à tous la joie de vivre et l’énorme curiosité et vitalité intellectuelle de notre collègue et ami estimé.

Par Marie Collins

 

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